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Table éphémère : Le Lavaux au coeur 08.11.22

En parallèle à nos Soul Kitchen, nous organisons des Tables éphémères qui, le temps d'une soirée, explore une thématique qui allie histoire et gastronomie. Pour notre première table éphémère, nous avons choisi de remonter au 11e siècle et explorer, avec nos convives, les origines de la région de Lavaux et plus précisément de la vie menée par les moines cisterciens qui ont construit le Lavaux que l'on connaît aujourd'hui.



Fenêtre sur la soirée au Café Chez Antoine


Notre repas se déroule Chez Antoine www.chezantoine.ch, un café au coeur du bourg de Lutry, charmant, convivial, complice ! Antoine nous accueille chaleureusement chez lui, il a magnifiquement accordé notre menu inspiré de la cuisine des moines cisterciens avec des vins de la région, lui et son acolyte Thomas s'occupent du service.

Tous les convives sont installés, la soirée peut commencer. Une soirée en 5 actes, ponctuée d'anecdotes historiques et gourmandes. Avec Lou nous sommes en cuisine, qui officie aussi de bar, plonge, on doit vite trouver nos marques dans cet espace exiguë certes mais pratique et ouvert sur la salle ! Bruno, le papa de Lou, est le conteur de la soirée, passionné d'histoire, on a peaufiné le menu avec lui et ce sont ses recherches que nous présentons à travers ce récit.


Au commencement était le Verbe, la parole ! Le sens des mots !


Tout a commencé il y a près de mille ans. Sur la moraine de l'adret du Glacier du Rhône, les laborieux moines cisterciens au 11ème Siècle, ont bâti 400 km de murs et de terrasses encore soigneusement entretenus par les héritiers, les artisans-vignerons d’aujourd’hui. L’emplacement patrimoine de l'UNESCO n’a pas été choisi au hasard par l’Ordre, une branche réformée des bénédictins remontant à la fondation de l'abbaye de Cîteaux en 1098 et au labeur acharné de Bernard, abbé de Clairvaux (à ne pas confondre avec son homonyme d’Aoste qui a fondé le célèbre hospice valaisan). C’est qu’il y a ici au moins 3 soleils : 1) l’astre du jour, 2) la belle réverbération du lac Léman et 3) celui caché dans les murs qui la nuit venue restitue la chaleur emmagasinée. Et j’ai envie d’y ajouter un quatrième astre, celui qui se cache dans nos cœurs. Mais c’est une autre histoire.


Ces moines, grands bosseurs, étaient jardiniers, maraîchers, arboriculteurs, apiculteurs, herboristes, fromagers, vignerons, distillateurs, et aviculteurs… Les parchets vivaient au rythme d'une agriculture encore sans mécanisation (ni pesticides) et suivant une rotation souvent triennale. On trouvait aux côtés des sarments, des céréales et de la jachère et tout un écosystème.


Les cisterciens sont devenus les principaux producteurs de vin de l’époque. Ils disposaient de vastes domaines. Celliers, pressoirs, caves, techniques de culture et de vinification leur appartiennent en exclusivité. Les cisterciens disposaient en outre d’un atout supplémentaire. Chaque abbaye possédait une série de filiales agricoles, appelées ‘granges’. Exploités, non pas par des fermiers, mais par les frères convers, qui ne sont pas astreints à la récitation des offices, et exempts de droits féodaux ces établissements prospèrent rapidement.


L’implantation de plusieurs abbayes cisterciennes dans le diocèse va donner l’impulsion nécessaire au développement de Lavaux, parallèle à celui de Lausanne.

En 1141, l’abbaye cistercienne de Montheron, fondée six ans plus tôt, dans la vallée du Talent, au nord de Lausanne, reçoit elle aussi des terres à l’est du Dézaley ‘pour y planter des vignes’.


Fondée en 1134 par Cherlieu de Bourgogne, sous le patronage de l’évêque de Lausanne Guy de Maligny, l’abbaye de Haut-Crêt, près d’Oron, reçoit la partie occidentale du Dézaley. Fondée en 1137 à Ogoz, en Gruyère, l’abbaye d’Humilimont-Marsens accueille des chanoines prémontrés et des moniales observant la règle de Saint-Augustin. Elle dépend de l’Abbaye du Lac-de-Joux qui fonde en 1141 un couvent pour femmes aux Rueyres, sur le territoire de la paroisse de Saint-Saphorin. Leur souvenir perdure dans la dénomination domaine d’Ogoz. Le devoir d’hospitalité envers les voyageurs fait partie de la règle de saint Benoît. Outre le logis, la nourriture et la boisson, sont, comme aujourd’hui, des critères de qualité. Après s’être régalés, les riches visiteurs ne manquent pas d’acheter les vins qu’ils ont appréciés et pourquoi pas d’y ajouter quelques donations.


Aux Complices avait envie de partager avec vous cet hommage éphémère au Lavaux « Vallis de Lustriaco » qui en ancien français se traduit par « la Vaulx de Lustrie » : la Vallée de Lutry, en arpitan, franco-provencal, la Vallée c’est la Vaux, ici même chez Antoine. L’étymologie du canton Vaud, plus germanique, c’est la forêt.

Quelques mots sur le menu, qui fait la part belle aux céréales, l’aliment primordial qui composait les repas de l’époque et qui se décline autour des principes de tradition, de terroir et de traçabilité propre aux Complices.



Lou et Julien en pleine mise en place des amuses-bouches


Acte I : Amuses-bouches, le Lavaux entre terre et lac

Feuille de vigne farcie au sarrasin et aux fruits secs

Bouchée fumée du lac


Un clin d’oeil à la CGN ? en tout cas pas de Lavaux sans Léman. Saviez-vous qu’on décline sans le savoir le pléonasme du Lac Léman. Lemanus veut en effet dire Lac. Le grand scientifique du Léman François Alphonse Forel - qui est l'inventeur de la limnologie, la science des lacs - expliquait que « le Léman est un individu géographique". "Il faudrait donc dire 'le Léman' comme on dirait 'la Suisse' ou 'le Cervin'."

Pour cet amuse-bouche nous avons travaillé avec Serge de l'Armoire à Brume www.site.armoireabrume.ch qui nous a fournit avec de l'omble chevalier du lac fumé et mariné au curry lacustre avec notamment de l'aspérule odorante, une plante sauvage qui orne nos sous-bois au subtil goût de vanille et de foin fraîchement coupé.


Acte II : Entrée, la soupe est reine !

Aux lentilles et aux légumes de saison, aromatiques monastiques


Une entrée de saison. Sans citer la Genèse, Esau et Jacob, déjà à l’époque du Néolithique, la lentille, viande du pauvre, était cultivée par l’Homme pour ses nombreuses propriétés. 100 grammes de lentilles cuites permettent quasiment de couvrir la moitié de nos besoins journaliers en protéines et glucides. Les plantes comestibles de l’Ancien monde, soit avant la découverte des Amériques, étaient surtout composées de légumes racines et d’herbes à potées et potages… d’où le nom de potager. On y trouvait des pois, des choux, des laitues, des céréales, des lentilles ou des fèves mais aussi des plantes aromatiques pour relever les plats : raifort, livèche, moutarde, fenouil.


Au coeur du bol une feuille de vigne, en-dessous une soupe revitalisante agrémentée, pour la petite surprise, de morceaux de figues séchées. La soupe était souvent consommée par les moines, pour la rendre plus riche en nutriments notamment, ils ajoutaient des noix et fruits secs. Tous nos légumes utilisés pour ce menu proviennent de la ferme Belflori près de Moudon www.fermedebelflori.ch


Acte III : Plat, comme un dimanche cistercien

Ballotine de volaille, duxelle aux noix et champignons, sauce aux câpres et au verjus, trio végétal du Clos


Si le cercle révèle le divin, le céleste alors que le carré exprime le terrestre, le carré s’intègre parfaitement dans la symbolique médiévale liée aux nombres, les 4 éléments, les 4 fleuves du paradis, les 4 évangiles, les 4 saisons… Le 4 ou le carré, est le symbole de perfection au Moyen Age, il sert donc de base à la réalisation des jardins. Si l’alimentation était très végétarienne, le dimanche était un jour particulier, parfois doté d’une viande comme de la volaille.


Le trio végétal est composé, d'une mousse de panais aux graines de sarrasin grillées et beurre clarifié, du potimarron au carvi, le cumin sauvage trouvé dans nos prés, du chou fermenté et grillé à l'huile de noisette. Pour retrouver le goût acide, car il n'y avait pas encore d'agrumes dans la région à cet époque, nous avons utilisé du verjus : le jus de raisin vert, acidulé et versatile, parfait pour vos vinaigrette, sauces, assaisonnements et ultra local de surcroît !


Acte IV : Fromages, ô prairies vertes escarpées

Sélection par Antoine de fromages de la région


Acte V : Dessert, sur les crêtes du Lavaux

Mousse de sérac parfumée, croustillant à l'avoine, coulis au raisin framboisier


Le sérac ou serra (en allemand: Ziger) est un fromage frais blanc maigre fabriqué à partir de petit-lait, d'origine suisse et française. Il permet d'utiliser ce qu'il reste de la fabrication de fromage à pâte pressée cuite tel le gruyère. Le terme sérac est d'origine arpitane tiré du latin serum signifiant "petit-lait". En Suisse romande le sérac est également appelé séré,

mais il ne doit pas être confondu avec le séré (en allemand : Quark) un fromage frais suisse, à base de lait de vache. En Italie, il est appelé Ricotta. C’est le brocciu en Corse.


La soirée fût belle, le lieu propice à cette communion avec nos convives, comme dans une bulle joyeuse, gourmande et complice !



Sources :

https://www.cath.ch/newsf/le-clos-des-moines-de-lavaux/

https://croire.la-croix.com/Abonnes/Theologie/L-Eglise/Qu-est-ce-qu-un-jardin-de-monastere https://journals.openedition.org/cem/17462


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